7 days ago
Taxer les vols en avion pour nous faire prendre le train? Le débat est lancé
Pour limiter les nuisances et favoriser le train, certains trajets en avion pourraient être taxés. Cette idée fait réagir le PLR Olivier Feller et la Verte Lisa Mazzone. Publié aujourd'hui à 06h25
Les Suisses prennent environ deux fois plus l'avion que leurs voisins.
imago stock&people
En bref:
Taxer les vols courts si le rail offre une alternative crédible. C'est le projet adopté par le Grand Conseil de Bâle-Ville en avril 2025. L'initiative demande au parlement fédéral d'introduire une taxe incitative pour préserver l'environnement et le bien-être de la population à proximité des aéroports. La pollution, les risques pour la sécurité des riverains et les nuisances sonores provoquées par l'EuroAirport sont à l'origine de cette proposition.
Pour les autorités bâloises, les vols qui relient Bâle à Munich, Paris ou Francfort n'offrent aucune plus-value économique ou touristique significative. Ils doivent donc être remplacés par des trains. Entre 2019 et 2021, huit cantons avaient déjà présenté des initiatives semblables. Parmi eux, le Valais, Neuchâtel, Berne, Saint-Gall ou Genève n'ont pas vu leurs projets aboutir. Une taxe déjà existante ailleurs?
En revanche, plusieurs pays européens ont franchi le pas. En France, les vols intérieurs sont interdits si une alternative en train existe en moins de deux heures et demie. La Belgique a, quant à elle, instauré une taxe sur les billets d'avion pour les liaisons aériennes de moins de 500 kilomètres.
L'initiative bâloise innove: le texte ne prévoit aucun seuil kilométrique ou temporel précis. Le critère retenu est l'«accessibilité raisonnable des destinations par voie ferrée» - une approche plus souple, qui tient compte des infrastructures existantes.
Mais qui définirait ce qui est «raisonnable» et sur quels critères? La présidente des Verts, Lisa Mazzone, et le conseiller national PLR Olivier Feller (VD) donnent leurs points de vue. Olivier Feller: contre la taxe
Olivier Feller, conseiller national (PLR/VD).
VQH/Florian Cella
Est-ce une bonne idée de taxer les trajets en avion?
Je suis opposé à tout nouvel impôt ou taxe, car les contribuables sont déjà suffisamment sollicités en Suisse. En juin 2021, le peuple a rejeté la révision de la loi sur le CO₂ , notamment parce qu'elle prévoyait toute une série de taxes, dont une sur les billets d'avion. À l'époque, la protection du climat figurait parmi les principales préoccupations de la population.
C'est toujours le cas aujourd'hui, mais le pouvoir d'achat inquiète encore davantage. En France et en Belgique, la population n'a probablement pas été consultée, alors que dans notre démocratie directe, le projet de révision législative a été refusé dans les urnes. Il y aurait assurément un référendum si le parlement adoptait cette initiative, et de telles mesures seraient probablement à nouveau refusées, à l'image de ce qui s'est fait il y a quatre ans. Cette seconde tentative d'introduire un impôt de ce type intervient bien trop tôt pour être acceptée par le peuple suisse.
Est-ce que ce qui vaut à Bâle peut s'appliquer à d'autres cantons?
Le parlement bâlois veut imposer une taxe à l'échelle nationale sur la base d'une évaluation locale, ce qui pose problème, car chaque région présente des enjeux différents. Des études montrent que l'aéroport de Genève contribue largement à l'économie et à la culture de toute la région – Genève, la France voisine, Vaud, voire toute la Suisse romande. Dire qu'il n'y a pas de valeur ajoutée significative me surprend, d'autant qu'à Bâle aussi, l'aéroport profite aux activités économiques et culturelles.
Cette initiative peut-elle faire la différence?
Je ne pense pas que cette mesure changera vraiment les choses. Certes, un aéroport génère des nuisances sonores, mais taxer davantage les vols selon la qualité de l'accès ferroviaire me semble peu réaliste. Comment définir si une ville est suffisamment accessible en train? Faut-il prendre en compte la qualité des infrastructures, la ponctualité, les correspondances? Ce sont des critères très difficiles à appliquer concrètement. La taxe envisagée aura pour principales conséquences d'agacer les usagers, sans réel effet dissuasif, et en abaissant encore leur pouvoir d'achat. Si on veut vraiment que ça ait un effet, il faudrait fixer la taxe à un niveau tellement élevé qu'elle reviendrait en fait à interdire les vols pour une partie de la population qui n'aurait pas les moyens de la payer. Ce serait inique. Lisa Mazzone: pour la taxe
Lisa Mazzone, présidente des Verts.
Keystone
Plusieurs initiatives ont échoué au niveau fédéral. Qu'est-ce qui change cette fois-ci?
Selon un sondage représentatif , 72% de la population soutient la taxe envisagée: un signe clair que la volonté populaire est là. Le kérosène reste détaxé pour les vols internationaux, ce qui revient à subventionner indirectement les compagnies aériennes pour leur pollution, alors que les automobilistes, eux, paient des taxes sur l'essence.
Il est temps que la Suisse s'aligne sur ses voisins. Il faut développer le rail et réfléchir à utiliser le produit d'une taxe pour financer de nouvelles lignes ou réduire le prix des billets de train, afin de renforcer leur compétitivité. Environ 80% des destinations au départ de la Suisse sont en Europe, c'est un potentiel énorme. Le parlement a voté pour renforcer les liaisons de jour et les trains de nuit. Mais le Conseil fédéral, à majorité de droite, veut couper le budget prévu. Il manque une vraie volonté politique, alors même que la population soutient ces mesures. L'enjeu pour nous, c'est d'avoir un parlement prêt à aider les gens à pouvoir prendre le train.
Comment le trafic aérien impacte-t-il la population?
Les nuisances sonores ne sont pas prises en compte par la majorité de droite au parlement, que ce soit pour la route ou pour l'avion. Pourtant, il existe de réels risques pour la santé . Les spécialistes demandent depuis longtemps des normes plus strictes, car celles en place sont clairement insuffisantes selon eux. Pour ma part, ayant longtemps vécu autour de l'aéroport, j'ai constaté au quotidien combien le bruit impacte la qualité de vie et la santé des riverains.
L'application du projet ne pénaliserait-elle pas les personnes défavorisées?
Pour qu'elle serve à tout le monde, cette taxe doit être utilisée pour baisser le prix du train. Les personnes défavorisées sont les premières à être frappées par la pollution, le bruit, et par les effets du réchauffement climatique comme les canicules. Elles ont moins accès à un jardin, à un logement bien isolé et loin des nuisances. La pollution est toujours une injustice sociale: agir contre la crise climatique, c'est aussi protéger ceux qui ont le moins de moyens pour se défendre.
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